La pratique artistique de Lucie Planty prend la forme de collectes et de collections d’images sur l’Histoire, sur sa façon de nous apparaître et la possible disparition ou dégradation de ces formes. Elle propose une réflexion sur les formes de la mémoire, sur la perte de la légende ou de la source, sur les archives numériques et leurs transformations dans le temps, sur les enjeux inquiets d’un délitement des outils de conservation dû aux bouleversements à venir.
Ces collections sont organisées en installation d’images, sous forme d'espaces de consultations qui peuvent être touchées, modifiées, organisées. Ces installations sont donc souvent modulables, leurs compositions sont laissées librement à l’attention du public et se modifient perpétuellement, ainsi que leurs préservations qui dépendent du soin porté aux objets manipulables. Cette réflexion sur notre histoire partagée est aussi interrogée dans sa forme collective : si le fond de l’œuvre questionne notre p·matrimoine, son dispositif produit des espaces de dialogues et d’actions qui font de ces installations des formes vivantes.
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SIÈCLE DERNIER
installation . 100 livrets . 32 x 45 cm chacun .
exemplaires uniques . 2017-2021
avec le soutien des Beaux-Arts de Paris et de Jeune Création
Siècle Dernier est une installation de 100 livrets cloués au mur, composés d’images en noir et blanc prélevées dans les pages du quotidien italien « La Stampa » entre 1900 et 2000. Les archives de ce journal ont été numérisées et publiées sur internet, mais priorité a été donnée au texte et beaucoup de photographies ont été dégradées par l'OCR (reconnaissance optique de caractères) ; nombre d’entre elles sont devenues illisibles. Ces photographies endommagées par leur numérisation ont été patiemment prélevées, aidées par une technique de data hoarding, et les images sont reproduites à l’échelle, chronologiquement, 1 livret par année. Le contenu de ces photographies est devenu impossible à identifier et ne porte plus d’information historique. Elles affichent désormais ce paradoxe : elles ont été rendues illisibles par le support qui devait les faire apparaître.
Jeune Création, Fondation Fiminco, 2021
Lauréat du Prix Folie Numérique
Jeune Création, Fondation Fiminco, 2021
Lauréat du Prix Folie Numérique
Felicita, Palais des Beaux-Arts, 2019
Lauréat Prix Albéric-Rocheron
SCRYING FRAMES
exposition & film . 2024
avec le soutien de l'Ambassade France à Singapour,
du National Arts Council (NAC Singapore) et de INSTINC
Scrying frames est à la fois le titre de l’exposition qui s’est tenue à INSTINC Singapour et d’une vidéo exposée à cette occasion. Le film Scrying frames a été réalisé à partir de bobines de films Super 8. Chacune de ses 20 000 frames a été transformée en plusieurs étapes à l’aide d’outils informatiques traditionnels, de dessin et d’intelligence artificielle, puis reconstituées en films à nouveau. Il conserve tous les signes d’une bobine (décalages, poussières, apparitions des bordures de frames...), tout en ayant une matérialité dessinée et évanescente. Le terme ‘scrying’ désigne une ancienne pratique divinatoire d’apparition d’images, notamment passées, sur des surfaces réfléchissantes - qui est poétiquement mis en relation avec le cinéma à travers les différentes oeuvres de l’exposition. Ces images donnent à voir de telles visions : des enfants nageant dans une rivière, des amoureux se reposant dans un parc, et une promenade le long de la plage - qui nous parviennent d’un passé inconnu qu’il nous faut tenter de déchiffrer, mais qui, dans leur banalité, s’entrelacent avec notre temps présent.
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
Scrying frames, solo show, INSTINC, Singapore, 2024
IMAGES D’HISTOIRES
installation . meubles en métal 76 x 59 x 42 cm .
images uniques . formats variables . volume
illimité . impressions sur feutre . 2021
Images d’histoires est une collection de centaines de photographies de presse accumulées durant des années dans des journaux. Ces images ont été choisies de façon subjective pour leur étrangeté, leur composition, leur poésie, au regard de leur nécessité de dire quelque chose de l’actualité internationale dans l’espace limité du journal. Cette collection est disposée dans des meubles d’archives, sous forme d’impressions sur feutre qui peuvent être accrochées au mur dans une variation conçue par les visiteureuses. La consultation est laissée libre, c’est la main qui choisit le rythme et le montage, dans une combinaison narrative qui se renouvelle à chaque mise en espace. Chacun·e projette un imaginaire, une interprétation, se raconte un récit activé par ces images silencieuses sans légendes.
Blue in Green, in.plano, 2021
Blue in Green, in.plano, 2021
Circades, 6B, cur. Espace Fine, 2022
Circades, 6B, cur. Espace Fine, 2022
Blue in Green, in.plano, 2021
BIBLIOTHÈQUE DES SIGNES
(bureau de l'historien·ne)
installation de livres . originaux des années 60
encrés . bureau et tabouret . 2023
Cette installation consiste en plusieurs dizaines de livrets disposés en ligne sur un bureau, laissés à la disposition du public pour être consultés. Les livrets sont des magazines originaux des années 60-70 dédiés à la documentation de savoirs divers. Intégralement noircis, ils semblent comme brûlés, charbonneux, laissant entrevoir parfois sous la lumière le contenu imprimé à l’encre grasse autrefois lisible. Seules quelques images n’ont pas été recouvertes, elles apparaissent aléatoirement au gré des pages, c’est aux visiteureuses de les trouver. Ces images proposent des signes. Ces signes proviennent d’origines diverses (géologiques, produits par le vivant, de langages humains…) qui, privés de contexte et de légende, retrouvent l'opacité qui précède leur déchiffrement (à moins d’en porter soi-même la connaissance de mémoire ou qu’il soit transmis oralement). Ces formes qui signifient l’existence ou la trace de quelque chose apparaissent au fil de cette bibliothèque obscure, comme des phénomènes dans la nuit du savoir.
En chacune de ses positions, la matière séjourne un ou plusieurs instants,
les Jardiniers, cur. Adrien van Melle - Nehama, 2023
En chacune de ses positions, la matière séjourne un ou plusieurs instants,
les Jardiniers, cur. Adrien van Melle - Nehama, 2023
En chacune de ses positions, la matière séjourne un ou plusieurs instants,
les Jardiniers, cur. Adrien van Melle - Nehama, 2023
En chacune de ses positions, la matière séjourne un ou plusieurs instants,
les Jardiniers, cur. Adrien van Melle - Nehama, 2023
En chacune de ses positions, la matière séjourne un ou plusieurs instants,
les Jardiniers, cur. Adrien van Melle - Nehama, 2023
IMAGES ALLUMETTES
installation . allumettes et supports en acier .
2023-2024
avec le soutien de la Fondation de France et du 6B
Dans l’obscurité, dans une forte odeur de souffre, une installation de plusieurs supports en métal surmontés d’une plateforme sur lesquels sont alignées une trentaine d’allumettes noires - sur ces allumettes se trouve une image imprimée issue de vieux journaux qui laisse entrevoir une scène de neige qui scintille dans la nuit. Pour rendre l’image visible, il faut sacrifier une allumette, donc une partie de l’image : elle peut être entrevue le temps de la combustion de l’allumette. Ces images que personne ne regarde jamais, impossibles à retrouver dans le tas incommensurable des archives de l’actualité passée et privées ici de toute légende, réapparaissent pour un court instant avant de retourner presque aussitôt dans l’oubli.
D’oreilles à bouches, 6B, 2024
D’oreilles à bouches, 6B, 2024
D’oreilles à bouches, 6B, 2024
D’oreilles à bouches, 6B, 2024
D’oreilles à bouches, 6B, 2024
CHRONIQUE DE L'HUMANITÉ
installation . écran tactile .
2019
avec le soutien de la ville de Maisons-Laffitte
Chronique de l’humanité est une réplique numérique de l’ouvrage du même nom édité par Hachette en 1986. La totalité du livre a été numérisée et publiée à l’identique en une immense page interactive consultable sur une grande table tactile. Le contenu est effacé à l’exception des photographies : il n’en reste plus qu’une succession de milliers d’images sans légendes qui retracent l’épopée humaine dans un silence qui dit sa fragilité. Elles sont aussi à l’image d’une époque, d’une façon de figurer l’histoire, du pays à l’origine de la sélection, elles sont des modèles de représentation. Souvent les visiteureuses se regroupent autour de ce grand coffre lumineux, comme devant un feu autour duquel on se raconte des histoires. Ces images défilent, la plupart n’évoquent rien, visage sans légende, guerre sans date, et parfois, l’une d’entre elles se distingue, on la pointe du doigt, « cette image-là, je la connais » — commence alors un récit.
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
Mensch Maschine,
Botanique Bruxelles, cur Thierry Vandenbussche et Privacy Salon , 2020
SPECIMEN
installation de livres . exemplaires
uniques . 2016
avec le soutien de la ville de Montrouge
Specimen est une installation de manuels d’apprentissage reproduits à l’identique (papiers, reliures, formats, mise en page). Une fois ces fac-similés scannés, le contenu est effacé à l’exception des photographies. En faisant de ces manuels des catalogues iconographiques sur des disciplines inconnues, il n’en reste que des livres d’images muets qui portent l’essence du savoir, des techniques et artisanats. Ils sont installés dans un dispositif de documentation et sont laissés à la consultation du public.
Cette première installation participative pose les bases de plusieurs reflexions qui vont se prolonger sous différentes formes, notamment Chronique de l’humanité quelques années plus tard.
Beaux-Arts de Paris, 2016
Salon de Montrouge, Beffroi de Montrouge, 2017
Beaux-Arts de Paris, 2016
Beaux-Arts de Paris, 2016
Beaux-Arts de Paris, 2016
VOYAGE EN SYRIE
vidéo . 14’30 . 2019
avec le soutien de la ville de Maisons-Laffitte
La vidéo Voyage en Syrie donne à écouter le récit authentique du séjour familial d’un couple en décembre 2002 à l’occasion de Noël. L'histoire racontée de cette excursion est émaillée de trous, que les deux protagonistes tentent de recomposer à partir de leurs souvenirs respectifs. La vidéo montre des détails d’images floues, impossibles à identifier, avec une mise au point vidéo vacillante. À de rares moments, un visuel net apparaît, lorsque le souvenir est énoncé avec certitude. Si le conflit syrien n’est jamais cité, il ne cesse d’apparaître de façon tacite. La narratrice, enceinte, évoque la douleur des contractions qui surviennent dans le contexte d'un voyage éprouvant au milieu du désert et la peur de perdre son enfant qui ne manifeste plus aucun signe de vie depuis le début du voyage. Ce récit amnésique oscille entre la visite touristique d’un p·matrimoine mondial millénaire en ruine, le drame d’un pays entier ravagé par la guerre, et l’histoire personnelle d’une survie et d’une naissance.
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
ARCHIVES DE PAIN
impressions photographiques sur papier azyme
à consommer . support en acier . installation .
2020-2023
Archives de pain est une installation d’images comestibles imprimées sur papier azyme. Ces images proviennent d’album de photographies de famille jetées à la rue et récupérées. Une fois re-prises en photo et imprimées sur le papier azyme, les images sont détruites de façon définitive, comme le souhaitaient les propriétaires à l’origine. En les mangeant, les visiteureuses voient une dernière fois ces clichés, ingèrent ces photographies intimes, abandonnées et désormais disparues pour toujours, devenant comme les dernier·es detenteurices de cette mémoire désormais effacée. Il s’agit de proposer ce geste étrange et un peu absurde : ingérer une image - être iconophage, et chaque personne réagit fortement et différemment à cette proposition.
Faire image, Galerie Michel Journiac, cur. Espace Fine, 2024
Faire image, Galerie Michel Journiac, cur. Espace Fine, 2024
Le monde comme image, La Ruche,
cur. Bruno Dubreuil et Bogdan Pavlovic, 2023
Faire image, Galerie Michel Journiac, cur. Espace Fine, 2024
Le monde comme image, La Ruche,
cur. Bruno Dubreuil et Bogdan Pavlovic, 2023
ASTRES ET POUSSIÈRES
livre et installation . chaises en acier . 2019
avec le soutien de la ville de Maisons-Laffitte
astres & poussières est un livre constitué à partir d’une sélection de photographies du début du XXe siècle. Cette iconographie est un recueil dans lequel le soleil, la lune ou des taches de poussière (ressemblant à des taches dans le ciel) apparaissent en arrière-plan des lieux historiques, vides, en ruines, abandonnés. Les conditions de conservation ont parfois laissé des traces blanches et rondes. Cette sélection met au même niveau ces taches et ces étoiles qui constituent deux unités de mesure de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, en fin de compte semblables en apparence.
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte - centre Ianchelevici, 2019
COLLECTION PARTICULIÈRE
peintures, formats variables, 2016
L’œuvre Collection Particulière consiste à redonner une réalité matérielle, sous forme de copies, à des tableaux spoliés disparus durant la Seconde Guerre mondiale, perdus et jamais retrouvés, en les restituant en couleur et au format d’origine à partir d’archives photographiques en noir et blanc. Ces trois copies représentent trois portraits: une figure religieuse, un acteur mineur de l’histoire et un inconnu. Les trois peintures choisies sont d’époques et de styles différents, d’artistes célèbres ou méconnus. Le travail de reconstitution a été conçu avec un copiste, Philippe Van der Linden, pour tenter d’imaginer les couleurs de ces tableaux perdus, d’inventer des détails cohérents, d’imaginer les formats, de saisir l’intention de l’artiste dans les pixels, dans un long travail de recherche pour tenter de fabriquer des doubles inexacts de ces oeuvres. Ils résistent à leur disparition avec ces faux et survivent comme des fantômes.
Robert Hermann Sterl (1867-1932), Portrait de Guido Mengel, 1929
format inconnu, peinture à l’huile sur toile, date et lieu de la disparition : 1945
Artiste inconnu (école italienne, florentine), Magdalene ,
date de réalisation inconnue, 63 x 47 cm, peinture sur bois de peuplier,
date et lieu de la disparition : inconnu c.1939-1945
v
Christian Wilhelm Ernst Dietrich (1712-1774), Vieil homme blanc barbu avec turban,
date de réalisation inconnue, 33 x 24 cm, peinture sur bois de hêtre,
date et lieu de la disparition : inconnu c.1939-1945
BRETSCHNEIDER, COLLECTION PRIVÉE
recherches . conférences . publications depuis 2018
L’image fabuleuse | Sottobosco ⇲
revue Matin ⇲
Johann Michael Bretschneider est un peintre mineur et méconu de la fin du 17e siècle dont l’œuvre se résume à quelques rares tableaux représentant des galeries de peintures. À travers ces figures de style académique se trouve une œuvre meta à peine formulée. Ses galeries peintes ne sont tapissées que de ses propres peintures, au demeurant jamais véritablement réalisées, il n’est jamais entré dans l’histoire de la peinture (aucune publication). Bretschneider, collection privée est un travail protéiforme qui vise à faire apparaître de nulle part un artiste ignoré soudainement fort de 500 peintures provenant d’une mystérieuse collection privée fictive (que j’ai en réalité été photographié à plusieurs endroits en Europe, devenant ainsi la seule détentrice du fonds iconographique de cette meta-œuvre) par des textes, des conférences, des publications sur internet, et d’en réaliser avec malice une analyse poétique et historique. Son travail et sa place dans l’art sont remis en jeu par de simples effets de recadrages et de montages - n’est-ce pas toujours de cette manière que se construit l’histoire ? -, et ce travail d’écriture met en lumière une vraie-fausse histoire de la peinture.
haut : Prise de vue à la Neuen Residenz Bamberg, Allemagne / bas : «Sottobosco», dans L’image fabuleuse | Sottobosco, co-édition avec Adrien Elie, in.édition, 2019
TEMPO DE L'ART
actualité de la scène artistique nouvelle
émission radio . depuis janvier 2023 .
en tant qu’animatrice et créatrice de l'émission
instagram ⇲ •
apple podcast ⇲
Tempo de l’Art est une émission radio qui se propose d’inviter de jeunes acteurices de l’art contemporain sous forme d’un rendez-vous mensuel autour d’une actualité. Les invité·e·s sont à la fois artistes, commissaires d’exposition, auteurices, directeurices de lieux d’exposition. Cet espace se veut un temps d’écoute de qualité des jeunes artistes, un espace de promotion de leurs expositions, et un moment de réflexion sur les enjeux de la création contemporaine. L’émission est diffusée sur Fréquence Protestante, radio laïque et culturelle, ainsi que sur toutes les plateformes de podcast. L’émission est enregistrée au studio dans les conditions du direct et non montée.
vignettes: enregistrement de l'émission sur l'exposition "Au-dela"
avec Rebecca Lamarche Vadel, directrice de Lafayette Anticipation /
émission "les vagues" à l'Onde, L. Camus-Govoroff,Élisa Florimond, Jerome Girard, Victoire Gonzalvez, Léo Guy-Denarcy, Alice Lejeune, Noémie Pilo, 2023
IN.PLANO
artist-run space . en tant que cofondatrice,
membre du bureau de l’association
et du collectif de 2017 à 2024 .
inplano.xyz ⇲
Cet artists-run space a accueilli depuis son ouverture une trentaine d’expositions et plusieurs centaines d’artistes, curateurices, acteurices de l’art. Cette plateforme de recherches et de production s’est donnée pour mission la diffusion et la valorisation de la création contemporaine sur un principe de mutualisation des savoirs et des équipements. in.plano porte et revendique dès son origine la singularité de vouloir créer un atelier autant qu’un véritable lieu d’exposition.
Entre autres, in.plano est invité à exposer au Salon de Montrouge 2022, ainsi qu'à The Others Art Fair à Turin en 2018. Le collectif obtient un soutien de la Fondation de France en 2023-24 pour la production de plusieurs expositions avec des commissaires invité·e·s (Léa Djurado, Alexandra Goullier Lhomme, Adrien Elie, Noelia Portela) qui se tiennent au 6B, au Doc et à Au Lieu, obtient une Bourse DRAC Île-De-France en 2020,
et est lauréat du prix de la Fondation de France François de Hatvany en 2018.
Le lieu d’exposition d’origine a été détruit de façon illégale et irreversible en 2022
(article Libération ⇲).
vernissage de l'exposition floating I, in.plano, 2021 et Tranchante l'Aurore, 2020
ENSEIGNEMENT
dans le supérieur . de 2017 à aujourd'hui
Les différents cours consistent principalement en l’exploration d’une très large collection de documents (films, photos, textes, livres…), regroupés en différents sujets de recherche sur les images et organisés sur une plateforme numérique dédiée. Cette base de données est enrichie chaque année de nouveaux sujets, d’ajouts de références ou de documents en lien avec l’actualité. Constituée patiemment et méticuleusement, cette vaste collection forme un socle de recherche qui est la fondation des œuvres présentées ici et dont les ramifications, ainsi que les futurs ajouts, préfigurent celles à venir.
haut : jury de fin de licence, avec Timothée Chalazonitis et Laetitia Chauvin,
ECV 2021 / bas: un court instant, les élèves font des ombres sur la projection d’un cours sur les images animées avant le cinéma et notamment le théâtre d’ombres,
Ateliers des Beaux-Arts Paris, 2021
DATE(S)
proposition curatoriale . exposition postée .
en tant que co-commissaire avec Alexandra Goullier Lhomme et artiste . in.plano . 2021
Cette année de pandémie de Covid 2020 aura été l’année de la distanciation, qu’elle soit sociale, psychique ou physique. Date(s) se propose d’absorber cette distance. Elle est une exposition postée qui souhaite remettre l’œuvre au creux de la main et qui déplace son expérience au sein de l’intimité du foyer. Date(s) propose une série de onze rencontres entre des œuvres et leurs abonné·e·s. Onze œuvres qui viendront s’ajouter, se rencontrer - à leur tour - au fil de l’année 2021 pour former ensemble une exposition unique et variable qui refuse le seul privilège du sens de la vue. Date(s) est une proposition hors cadre. L’œuvre, puis l’exposition sont dépouillées de toutes leurs habitudes et se présentent nues, sans a priori aucun, dans des intérieurs qui leur sont inconnus. [...]
texte curatorial, suite ⇲
Colis avant l’envoi par la poste, Date(s), 2021
LÉA DJURADO
[...]Pour Lucie Planty, l’art se raconte à travers une fiction, un système narratif. La jeune artiste se glisse dans les plis du temps pour faire resurgir des lieux disparus, des artistes oubliés, des œuvres manquantes. Ses productions nous interrogent sur la question essentielle de la disparition […]. Ces formes de réinterprétations, jouées à partir d’une partition partielle et passée, tirent l’art de l’espace du côté de l’art du temps, et font entendre l’écriture d’une histoire de l’art en cours. À l’image de Feu Pâle de Vladimir Nabokov qui s’ouvre sur un mensonge : celui du manuscrit trouvé d’un poète disparu, Lucie Planty crée des mirages narratifs, et se fait auteure d’une histoire de l’art-fiction.
TITI M. CERINA
En chacune de ses positions, la matière séjourne un
ou plusieurs instants,
les Jardiniers, Montrouge,
2023
Walter Benjamin, en évoquant notre propre finitude, soulevait que l’humanité devenait étrangère à elle-même. Comme nous sommes aujourd’hui incapables de comprendre toutes nos histoires, toutes les traces de celle-ci.
Quels messages lisibles, compréhensifs, laissons-nous derrière nous ? Historienne par images, par effacement ou recouvrement - l’artiste Lucie Planty nous donne à voir l’illisible, l’information déformée. Ce qu’il reste: une ruine iconographique, des images silencieuses sans ce que d’autres ont pu en dire, silencieuses si personne n’est là pour nous le dire. Des images, en sommes. Mais ce que révèle ce Bureau de l’historien·ne, est un silence sur l’histoire, ou bien ; l’histoire du silence à venir.
Œuvre eschatologique, œuvre qui parle de nous, nous invite à regarder notre distance avec la connaissance de notre humanité commune. Nous ne savons rien, et nous sommes en train de recouvrir par tant de bruit nos voix, que le tout devient silence. Il ne restera rien de notre ère, rien de précieux. Nos super data seront des piles de métaux. Reste le bureau, lieu du savoir entre l’apprentissage et celui qui le tisse, la forme pour le monde. Le bureau est autoritaire. Le bureau est une figure. Le bureau où nous pourrons recouvrir nos fautes et nos théories. L’espace de consultation d’une histoire malade. Des ruines médiatiques anticipées, frictionnées. Dans un double mouvement contraire, Lucie Planty oscille entre geste d’extraction et geste de recouvrement. Une ironie presque de l’archéologue qui enfouirait ses trouvailles pour mieux les comprendre. Il resterait sûrement une partie en surface, une partie d’image. Qu’aurait-elle encore à dévoiler ? Il y a peut-être un abus de langage sur notre présupposée approche archéologique ou encore spéléologique. Ne s’agirait-il pas davantage d’une science sans nom, à la manière qu’Agamben nomma la pratique iconographique et anachronique des histoires de l’art revues par Abu Warburg.
Dans ce léger trouble de surface, reste que l’histoire est amnésique d’elle-même, elle s’oublie et se livre à demi-mot. Amnésique, car les enjeux de mémoire se sont dilués dans l’encre qui recouvre le reste de la page, Babel, sa bibliothèque, a fondu, l’histoire liquéfiée à la fin.
Tous les éléments sont présents et pour autant confondus, perdus et entremêlés. Présent par ici, l’artiste ramène malgré tout une matérialité singulière, celles des vieux livres de savoir, celle du bureau noir, comme brûlé. Les récits en potentiels qui se matérialisent dans des objets chargés sont surgissants devant nous, ils tremblent presque. Ces objets qui préexistent, conscients et repeints sont des objets témoins et en eux se densifient une idée de l’histoire.
En peinture, un repentir se définit ainsi: un recouvrement qui a pour but de rectifier l’œuvre, faire apparaître ou bien disparaître un élément, ou bien encore, le modifier.
Nous ne sommes pas sur un effacement, car il n’est pas question de retrouver un état premier, d’absence. Il est question de l’effet d’effacement en négatif, par recouvrement donc.
Lucie Planty avec son bureau de l’historien·ne ne propose pas de réponse, mais dépose ici une question, une question importante qui parle de nous, qui nous rappelle à nos oublis.
LAETICIA CHAUVIN
Date(s) / Archives de pain
2021
La succession des images, fines, légèrement transparentes, la familiarité avec les photographies anciennes, certaines parfois rongées par le temps. On croit connaître déjà les sujets, les poses. Toujours surprenant que les personnes soient enfermées dans des tout petits cadres, non? Et les pages d’archives, seraient-ce les nôtres? Enfin cette question que nous pose l’œuvre: si elle est comestible, est-ce à dire qu’on doit la manger? Dans un premier mouvement on est tenté, et puis non, et puis si. Avant de réaliser l’incongruité de l’acte, cannibaliser les images et finalement les personnes et la mémoire. Manger pour faire disparaître, ou pour absorber?
BRUNO DUBREUIL
Le Monde comme image
2023
Ingérer les images. — Certains déportés, sur le dernier chemin qui les conduisait à la chambre à gaz, réalisant leur fin proche, mangeaient les photos de famille qu’ils avaient pu dissimuler sur eux lors de leur arrestation. Ainsi, à la dernière heure, et pour un bref instant, s’incorporer le souvenir des siens avant que son propre corps soit réduit en cendres.
Rien d’aussi tragique dans Archives de pain, mais la même appropriation magique de l’autre. Chaque image est issue d’une photographie argentique ancienne originale et unique, issue d’albums de famille abandonnés et anonymes, maintenant détruites par l’artiste. Ces souvenirs deviendront les vôtres. Ils se mélangeront à vos cellules et demeureront en vous. Qui sait si, dans un futur lointain,
leur trace n’aura pas intégré votre mémoire ?
AUDREY TEICHMANN
Catalogue du Salon de Montrouge
2017
Lucie Planty émet, à propos des images, certaines hypothèses que des processus minutieusement documentés tentent de démontrer. Nourrie de la culture dite «post-Internet» et cherchant à réinvestir les champs de la
prospection virtuelle par la matérialité de ses recherches, elle détermine
des protocoles de resurgissement ou de recréation d’«images manquantes». Conçue à la fois comme processus créatif et œuvre en soi,
l’investigation se double d’un ensemble de contraintes, dont l’OuLiPo a rappelé le rôle d’amorce créative. L’artiste tente d’épuiser ses sujets: lectures exhaustives et voyages pour retrouver la trace des Deux Dames vénitiennes de Vittore Carpaccio et récit de cette quête. Le temps distendu de l’analyse et des trajets reconstitue en négatif une image de l’œuvre plus palpable que l’œuvre elle-même. Ce travail n’échappe pas à une part fictionnelle, dont l’empreinte sur la substance documentaire absout le risque des impossibles retrouvailles. Allant jusqu’à la substitution d’œuvres à celles qui ont disparu, La Collection particulière (2016), élaborée avec un copiste à partir des archives des œuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale, reconstitue un patrimoine d’après des mentions lacunaires. Plus qu’une mémoire de la pièce disparue – qu’avait explorée Sophie Calle dans Tableaux dérobés –, c’est d’une apparition qu’il s’agit, phénomène au nom mystique pour un travail qui, s’il ne touche pas aux questions de sainteté des images ni d’iconoclasme, prélève, dans ces pratiques dogmatiques de sélection ou destruction des images, des stratégies contribuant à leur conférer, au milieu des flots discontinus dont elles sont extraites et malgré leur authenticité douteuse, une vibrante aura.
CLAUDE D'ANTHENAISE
Catalogue de l’exposition
Au-delà de l’héritage
Église Saint-Pierre de Montmartre
2016
Collection Particulière [...] A priori, c’est à ce travail de mémoire que s’est attachée Lucie Planty. Elle a choisi de raconter une histoire d’œuvres d’art spoliées par la Wehrmacht dans les territoires occupés et jamais retrouvées. À elle de reconstituer les œuvres disparues, de les réactiver. À cette fin, elle nous entraîne dans une sorte de labyrinthe vertigineux aux échos borgésiens. En effet, du tableau manquant il ne reste au mieux qu’une photographie en noir et blanc et une notice d’inventaire mentionnant l’auteur et précisant la date, la technique et les dimensions. À partir de ces documents, Lucie Planty demande à un peintre d’interpréter l’œuvre, comme s’il s’agissait d’un morceau de musique écrit pour être, à loisir, recréé.
Dans un travail précédent, cathedrales.html, l’artiste avait
collectionné les reproductions de peintures impressionnistes, complétant les «séries» initiées par Claude
Monet avec ses «versions» nouvelles dues aux caprices des imprimantes et aux aléas de la reproduction des couleurs. La galerie fantôme dont Au-delà de l’héritage présente les prémices, poursuit ce questionnement sur la nature d’une œuvre d’art plastique: l’image d’une peinture peut-elle se substituer à la peinture elle-même ? Est-elle une œuvre nouvelle ? Que reste-t-il de l’œuvre initiale après ces différentes médiations ?
DOMINIQUE MOULON
Variation Media Art Fair
Cité des Arts
2017
Lucie Planty aussi a scruté l’Internet pour y retrouver les traces par l’image de tableaux spoliés durant l’occupation. Sollicitant un copiste, elle les a réactivés comme on reconstitue des scènes de crimes. De la Magdalene de sa Collection Particulière, on sait peu de choses, ni vraiment la date de sa réalisation ni véritablement celle de sa disparition. Pourtant, elle est là, peinte sur du bois de peuplier, telle la conséquence de sa propre disparition.
REBECCA THEAGENE
Jeune Creation
2021
Siècle dernier, qui aboutit après plus de quatre ans de réflexion et d’attente, est née d’un travail d’analyse, de sélection et d’édition d’images contenues dans le quotidien italien La Stampa, aujourd’hui numérisé et archivé en ligne.
L’œuvre est constituée de cent livrets qui retracent chronologiquement l’actualité internationale de 1900 à 2000. Le contenu, noirci par la numérisation pour laquelle a été privilégiée la forme textuelle à la lisibilité visuelle, produit des «images mortes» qui sont ici dissociées de tout texte ou contexte. Chaque photographie perd son but et son statut informatif ou illustratif. Elles ne témoignent plus de l’Histoire, alors même que la numérisation de ces archives aurait dû en offrir une meilleure diffusion et compréhension. Face à ce mur, cascade de papier en bas-relief, Lucie Planty nous invite à manipuler et consulter cette collection à la recherche d’une signification possible de l’Histoire.
CAMILLE PAULHAN
2017
La méthode de travail de Lucie Planty s’apparente sans doute à celle de l’enquêteuse, et peut-être même à celle de la chasseuse de fantômes. Elle s’intéresse aux traces, aux fragments et aux indices, même si elle peut parfois brouiller les pistes: dans son installation Specimen, des manuels d’apprentissage de savoirs variés – de la natation à l’usage des armes à feu en passant par la géopolitique – sont dépouillés de toute forme de texte. Ne demeurent sur les pages des livres devenus muets que des images mystérieuses, dont les cohabitations paraissent la plupart du temps incohérentes: le spectateur devenu lecteur est placé face à des représentations dont il ne maîtrise plus les codes et qui paraissent dès lors autoritaires en dépit de leur silence.
Enfin, son singulier projet, La collection particulière, tâche, avec le concours d’un copiste professionnel, de recréer des peintures spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale, et demeurées aujourd’hui introuvables: Lucie Planty n’entend pas restituer ces œuvres, dont on ne connaît ni les couleurs d’origine, ni les formats, mais plutôt créer une dystopie dérangeante, que hantent ces portraits paisibles, entre histoires vraies et fables picturales.
JOSHUA DE PAIVA, LÉA DJURADO
« Combler les lacunes »
catalogue de l’exposition
Nos ombres devant nous
Fondation Ricard, Paris
2017
Lucie Planty est obsédée par la trace, la mémoire du passé. À l’heure d’une production effrénée et démesurée d’images de toutes sortes — à travers les reproductions successives et les stockages compulsionnels d’une mémoire numérique qui s’accroît et s’actualise sans cesse — comment faire pour être sûr de ne rien perdre, de ne rien oublier ? Lucie Planty fait ressurgir des lieux disparus, des artistes oubliés et des œuvres manquantes. Travail au long cours, les recherches de Lucie Planty s’organisent selon des protocoles précis. Son mode d’enquête se caractérise souvent par une compilation exhaustive d’archives ou d’images glanées sur internet, avant d’aboutir à une réponse formelle.
[Collection Particulière]
Cherchant à redonner une présence à des tableaux spoliés durant la Seconde Guerre mondiale, l’artiste demande à des restaurateurs professionnels d’interpréter ces œuvres disparues à souvent de piètre qualité.À partir des seuls
documents restants, la réinterprétation des peintres d’aujourd’hui réactualise une partition partielle et passée.
Pour l’exposition Nos ombres devant nous, Lucie Planty choisit de ne pas montrer ses peintures, de s’extraire de ces images qui réactivent un lourd passé. Elle y fait allusion en présentant un livre, qui au premier regard, est vierge, mais qui en réalité reprend scrupuleusement chaque page numérisée des registres ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg), ensemble d’archives qui répertorient les œuvres « déplacées » durant la Seconde Guerre mondiale. L’artiste choisit pourtant de ne retenir que les versos scrupuleusement numérisés de ces documents dont le contenu informationnel se limitait strictement à leur recto. La page blanche devient porteuse d’un lourd passé qui se manifeste discrètement par des taches, une transparence ; la finesse de la page nous faisant entrevoir quelques phrases, sous la forme d’un palimpseste retourné. Lucie Planty peut choisir de faire taire des images parlantes, pour provoquer le mystère, voire le mythe. Fascinée par les archives, l’artiste a présenté une série d’ouvrages dans des boîtes sur des tables de consultation à disposition du public. Au départ, ces documents ont une visée didactique, allant de la notice de natation au manuel d’utilisation d’armes à feu. Lucie Planty les reproduit sous forme de fac-similé, respectant précisément le contenu de l’ouvrage, du grammage du papier à la disposition des images, à une exception près: le texte en est retiré. Le répertoire ERR et les manuels d’utilisation portent la trace de l’étrangeté de l’absence, et le lecteur devient spectateur d’un absurde défilement des pages, plongé dans une histoire disparue ou en cours d’écriture.
La disparition est également mise à jour par son redoublement dans son installation composée de cartes postales présentées au sein de l’exposition Nos ombres devant nous. Lucie Planty introduit un élément étranger dans une image stéréotypée et provoque un hiatus: elle nous pointe l’absence du doigt. Ces trois images sont celles de Pompéi, la mer d’Aral, et une sculpture de Jean-Pierre Raynaud présente sur la place de Paris à Québec. Chaque lieu a subi une forme d’anéantissement différente. À Pompéi, la nuée ardente qui l’engloutit en l’an 70 apr. J.-C. la révéla paradoxalement aux yeux de tous des siècles plus tard. La vue spatiale de la mer d’Aral représente une destruction humaine au profit d’un enjeu de développement économique ayant provoqué le détournement de l’Amou-Daria et le Syr-Dariades, deux fleuves qui alimentaient la petite mer. Pour la sculpture de Raynaud, ironiquement intitulée Dialogue avec l’histoire, c’est une démolition « de goût » mise en scène en présence de la presse, en pleine place publique,
en juin 2015. L’artiste recouvre précautionneusement de feuilles d’or l’image d’une disparition. À la manière des fonds dorés hérités des icônes byzantines, Lucie Planty sacralise le manque. L’aura ainsi conférée à la carte postale — représentation pauvre et reproductible, qui fait office de souvenir de visite dans les boutiques de musées — est contenue dans ce récit que porte l’image, dans sa plus-value historique qui est mise en avant par cet enfouissement doré. Comme Pompéi recouverte de cendres, cette fine pellicule dorée voile et dévoile un récit. Un dispositif d’exposition accompagne ces cartes dorées: une colonne transparente écrase l’image, sorte de socle inversé. Ironiquement, le plexiglas vient écraser l’histoire et ajoute une couche de dissimulation supplémentaire pour ménager un re-surgissement d’autant plus frappant qu’il est intime. Par cette ruse, l’artiste rejoue le procédé de l’absence révélatrice en scénarisant la réception du visiteur. L’œil est d’abord attiré par ce socle transparent qui ne supporte rien: est-ce le socle d’une œuvre disparue ou restaurée ? En s’approchant du bloc de plexiglas, il pourra découvrir, à travers un unique point de vue, comme une anamorphose, une image apparaissant d’une disparition révélée. Lucie Planty crée ainsi des mirages narratifs, et devient l’auteure d’une histoire inachevée, constituée de lacunes à combler.
JEAN-RODOLPHE LOTH
Sur astres & poussière», extraits retranscrits
de la conférence en dialogue qui s’est tenue
le 19/01/2019 dans le cadre de l’exposition
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte
2019
Je me suis prêté, c’est une décision toute personnelle, je vous en faisais part Lucie, je me suis mis à écrire librement mes textes par rapport à ces images. Ce n’était pas une libre interprétation, ce n’est pas cela, puisque les images sont données avec une configuration, avec des rapprochements, un ordre de succession. Il s’est passé un évènement intérieur qui m’a bien intéressé, qui a fait que je me suis mis à écrire tout le long de ces images, j’ai vu réapparaître à l’intérieur de moi-même, des images de ma vie ancienne que j’avais oublié et qui sont venues se superposer, ou se mettre en équivalence aux images du livre. Alors, il y a eu un phénomène assez
intéressant intérieurement: j’avais la vision optique des images du livre et à l’intérieure de moi-même, en même temps, une image apparaissant de mon passé, de lieux, de lumières... Je dirais que c’était des flash-back iconiques très précis. J’ai pris la décision d’écrire cette opération, je ne peux pas le dire autrement, cette opération de combinaison entre une image resurgissante du passé et la fréquentation de ces images confiées par le biais de ces livres ainsi disposés. La seule façon que j’ai trouvée personnellement pour faire lien, ça a été de faire réapparaître de l’écriture, c’est-à-dire de redonner du texte qui faisait le lien entre ces images surgissantes et ces images données. Il y a eu un troisième moment, comme quoi le trois est nécessairement agissant, j’ai vu apparaître dans ma contemplation interne, des images qui ne renvoyaient pas à mon passé direct, mais des images qui venaient directement des images de la mémoire de guerre de ma famille, en 1914-1918 et 1939-1945, parce qu’il y a l’apparition récurrente des ruines dans ces images, des ruines de guerre — et on n’a pas encore parlé du film. Donc là je suis en train de vous parler de l’effet produit, objectivement, de votre exposition sur ma propre personne, donc ce n’est pas rien, parce que ça ne me fait quand même pas ça à tous les coups. J’ai vu revenir des images dont il m’a semblé que c’était des images dont on m’avait toujours parlé, mais que je n’avais jamais vues — mon arrière grand-père maternel qui me parle de lui rentrant dans la cathédrale de Reims, alors que la cathédrale de Reims avait littéralement été pulvérisée. J’ai été dans une sorte de suspend très actif entre votre reprise par montage d’images données et le fait qu’elles produisent des effets non négligeables à l’endroit de notre mémoire interne, je dirais même de notre mémoire cachée.
JEAN RODOLPHE LOTH
Sur Voyage en Syrie,
de la conférence en dialogue qui s’est tenue
le 19/01/2019 dans le cadre de l’exposition
Carte blanche à Lucie Planty,
Ancienne Église de Maisons-Laffitte
2019
Je parle toujours de mon expérience quand je me suis retrouvé d’un côté et de l’autre de cet écran [Voyage en Syrie], ça aussi c’est une expérience
notoire, ou notable, il ne se passe pas la même chose quand on est du côté des assis que quand on est du côté des témoins debout et en contrebas on a
à faire à un bi-face, à une image dont on peut aller d’un côté et de l’autre tout le temps, et pourtant, ce bi-face ne va pas révéler son secret et ce, d’autant plus que le récit qu’on entend c’est - je ne vais pas faire de la paraphrase, mais on a des images qui se perdent continûment dans leurs enchaînements et dans cette perte des images que nous devons éprouver, on entend en même temps une femme qui s’exprime d’une manière presque abrutissante à l’incongruité de son attente d’enfant dans un contexte extrêmement difficile. Pour dire qu’elle ne peut parler de son expérience intrinsèque de cette attente, de celle qui attend un enfant, alors même que les images que nous avons sous les yeux et le dialogue avec cet homme qui lui répare sa mémoire de son voyage pour moi. Ce que l’on voit et ce que l’on entend c’est aussi le rapport à un pays dont on sait qu’il est devenu une ruine terrible et inaccessible, c’est-à-dire la Syrie. Avec cette insistance sur Palmyre dont on sait qu’il y a eu des destructions iconoclastes épouvantables et dont le directeur des antiquités orientales a été assassiné alors qu’il était le dernier homme sur terre à parler le Palmyrien, cette langue sémitique qu’il était le dernier homme à connaître. […] Je souhaite évoquer la maïeutique, c’est à dire ce procédé philosophique ou l’on fait accoucher - ce n’est sans doute pas le fruit du hasard qu’on a le récit d’une femme qui va vers son accouchement, tout en étant dans la situation limite, du fait qu’elle ne peut parler du tourment que de ce que c’est d’attendre l’enfant dans le contexte d’un voyage syrien tel qu’il est raconté, mais le protocole maïeutique dans la philosophie grecque et antique, c’est véritablement s’appuyer sur son interlocuteur pour lui proposer un voyage avec des mots et aussi le mettre en difficulté de telle façon qu’il abandonne en cours de route de ce dialogue ce qu’il a laissé tomber, pour qu’il puisse affronter une vérité qu’il ne voulait pas et pour qu’à l’aide de ce dialogue, celui qui est soumis au dialogue maïeutique puisse arriver au point que la vérité qu’il pourra soutenir et regarder, car même s’il devait mourir il ne l’abandonnerait pas. Moi, personnellement, j’ai trouvé que dans ce récit [Voyage en Syrie] dont on ne sait pas s’il est fiction ou enregistrement d’une réalité vécue de cette femme qui nous parle de son attente et de son attente de cet enfant, il m’est revenu, enfin c’est comme cela que je l’ai interprété en tout cas, la rigueur du dialogue maïeutique de la philosophie antique ou on se promène avec son interlocuteur de telle manière à ce qu’il laisse tomber en cours de route tout ce qu’il ne peut plus porter de trop lourd pour arriver à une nécessité, et cette nécessité, c’est l’expérience de la vérité et il ne pourra pas ne pas la soutenir, et c’est en ça même qu’il devra soutenir même s’il devait en mourir.
DOMINIQUE MOULON
Variation Media Art Fair
Cité des Arts, 2017
Lucie Planty aussi a scruté l’Internet pour y retrouver les traces par l’image de tableaux spoliés durant l’occupation. Sollicitant un copiste, elle les a réactivés comme on reconstitue des scènes de crimes. De la Magdalene de sa Collection Particulière, on sait peu de choses, ni vraiment la date de sa réalisation ni véritablement celle de sa disparition. Pourtant, elle est là, peinte sur du bois de peuplier, telle la conséquence de sa propre disparition.
DATE(S)
exposition postée, une proposition curatoriale
de Alexandra Goullier Lhommme et Lucie Planty
texte curatorial
in.plano, 2020-2021
L’année 2020 aura été l’année de la distanciation, qu’elle soit sociale, psychique ou physique - le toucher est devenu le sens interdit. Un mètre cinquante centimètre pour se mettre à l’abri, mais surtout mettre les autres à l’abri de tout ce qui pourrait surgir de nous. L’espace entre les choses et les êtres est devenu une nécessité palpable : des surfaces lisses qui contiennent, enferment et retiennent les corps, des gestes barrières qui s’érigent en nouvelles habitudes.
Date(s) se propose d’absorber cette distance. Elle est une exposition postée qui souhaite remettre l’œuvre au creux de la main et qui déplace son expérience au sein de l’intimité du foyer. (Ap)préhension multi-sensorielle, Date(s) propose une série de onze rencontres entre des œuvres et leur abonné·e·s. Onze œuvres qui viendront s’ajouter, se rencontrer - à leur tour - au fil de l’année 2021 pour former ensemble une exposition unique et variable qui refuse le seul privilège du sens de la vue.
Date(s) est une proposition hors cadre. L’œuvre, puis l’exposition, sont dépouillées de toutes leurs habitudes et se présentent nues, sans a priori aucun, dans des intérieurs qui leurs sont inconnus. L’œuvre, puis l’exposition, se mettent donc volontairement à la merci ou plutôt à l’appréhension toute entière de leurs nouveau·elle·x·s acquéreur·euse·s et questionnent la figure di collectionneur·euse. Ouvrir, toucher, caresser, goûter, accrocher, renverser, empiler, comprendre, cacher, offrir, détruire
ou tout autre verbe qui viendrait à l’imagination et augmenterait l’expérience de l’œuvre,
deviennent une possibilité.
Aucune règle n’est dictée à l’exception de ce qui se tiendra à l’intérieur et à l’extérieur du colis et le fait qu’il est adressé à l’abonné·e par chacun des onze artistes de l’artist-run space in.plano.
Date(s) est une exposition qui renverse ses propres codes et s’autorise à en emprunter d’autres comme ceux liés au vocabulaire de l’envoi - à jouer avec. Elle est d’un côté entièrement libre, a la capacité de dépasser les frontières, de créer ses propres réseaux de circulation et se doit en même temps d’être soumise à la pesée, l’affranchissement et l’oblitération. Affiliée au Mail Art, Date(s) est un équilibre volontairement fragile entre l’adresse d’un message contenu/contenant et le lâcher-prise de l’envoi et de sa réception incluant d’autres règles et individualités. Elle est un ensemble de volontés et d’attentions aguerries, un relais passant de mains en mains, glissant à travers les interstices, se jouant des contraintes et se rebellant contre les cadres.
« Chaque œuvre de Mail Art fait partie d’une guérilla menée contre le Grand Monstre. Chaque œuvre de Mail Art est une arme brandie contre le Grand Monstre qui possède le château et qui nous sépare les uns des autres, tout autant que nous sommes. (…) Lorsque nous faisions de la peinture, nous pouvions parler de sensibilité, de beauté, de vision, d’habileté, etc. Mais lorsque nous frappons à la porte du Monstre, qu’est-ce qui compte vraiment ? La réponse est simple : ce qui prime, c’est la force avec laquelle on frappe. Comment pouvons-nous mesurer cette force ? Par l’écho que nous produisons évidemment. ». Ulises Carrion dans « Mail Art et le Grand Monstre » nous expose la position du Mail Art face à un Grand Monstre qui n’est jamais explicitement nommé, mais qui semble incarner les différentes Institutions. Date(s) est une série de gestes discrètement subversifs qui construisent à travers une série de tête à tête un réseau à l’utopie micropolitique.
« Date(s) » en français ou « Date(s) » en anglais fixe un point de rendez-vous entre deux entités. Un engagement à se retrouver à un moment donné. Mais Date(s) se refuse à livrer des coordonnées exactes : Quand ? Comment ? Sous quelles formes ? Restent des questions ouvertes dans une volonté de surprendre l’abonné·e et de forcer son attention au quotidien. Le doute entre ce qui est art ou n’est pas art, entre ce qui fait œuvre ou ne fait pas œuvre est au cœur des interrogations de cette exposition qui s’intéresse
au cas limite.
À l’exception de l’oblitération postale réglementaire, l’œuvre contenu/contenant ne disposera d’aucun tampon validant ou invalidant son appartenance au projet. Elle sera laissée libre à la volonté de l’artiste et à l’appréhension de saon destinataire·trice. Date(s) n’est en aucun cas
un projet pour certifier de la valeur d’une œuvre, elle propose une expérience dont l’abonné·e jouera le premier rôle et où l’artiste endossera la figure di metteur·euse en scène plus ou moins radical·e.
Date(s) mime la sensation des premiers rendez-vous, des rendez-vous galants où l’on est face à l’inconnu, où l’on désire, idéalise, sublime celleux que l’on s’apprête à rencontrer sans savoir si c’est la déception qui nous attend ou la révélation. Ce moment précis où l’image est confrontée à l’expérience. Date(s) propose une série de rendez-vous à l’aveugle entre une œuvre et un corps. Des « blind dates » où l’on accepte de se laisser surprendre, de se laisser guider - à l’aveugle - par les œuvres. L’abonnement à Date(s) signifie donc un engagement amoureux tout au long de l’année 2021. Un engagement qui surgira onze fois et dont l’abonné·e n’aura aucun indice à l’exception des quelques mots qui viennent de défiler.
Date(s) est avant tout un secret. Une confidence entre les abonné·e·s et les artistes, entre vous et nous, entre toi et moi, entre celleux dont les liens invisibles seront tissés par le biais de ce projet. Loin de l’hyper-visualisation et de la virtualisation exacerbée par l’année 2020, Date(s) souhaite se nouer uniquement autour de l’expérience intime de l’œuvre. Ne pas prendre de photographies des œuvres, ne pas diffuser de photographies des œuvres - ni à ses proches ni sur les réseaux- est une condition sine qua non. Date(s) sera donc réservée uniquement à celleux qui s’abonneront et à celleux avec qui iels partageront leur(s) secret(s) par le seul biais du récit ou par la transmission de(s) œuvre(s) physique(s) sans intermédiaire aucun. Un secret qui répand une rumeur sourde autour de lui, qui attise le désir de connaissance, qui réveille l’envie presque enfantine de recevoir une surprise, d’ouvrir un cadeau, une lettre d’un·e amoureux·se transi·e, la sérénade d’un·e artiste.
ISABELLE MANGOU
La magie de Lucie Planty
Viens Voir, 2024
Lucie Planty est une artiste-iconographe (voir le livre de Garance Chabert et Aurélien Mole paru aux Editions Empire en 2018). Elle travaille avec les
images, les triture et les transforme jusqu’à ce qu’elles expriment leurs dimensions cachées. Des photographies à voir et à manger.
Les images et leur original
Les images, les photographies, apparaissent parfois comme des mirages. La réalité qu’elles évoquent peut être opaque ou inaccessible. Si bien que, quand nous contemplons une image, nous avons du mal à ne pas établir avec elle une relation plus ou moins intense de croyance en un original dont elle serait issue. Le succès de cette croyance est largement utilisé par les images de presse, de publicité, ou de propagande qui induisent qu’il y a un original parfaitement crédible et fixé pour tous. C’est ainsi, nous nous laissons facilement duper.
Alors pourquoi cette frange brumeuse d’opacité dans une photographie? Dès les temps très anciens, on «tirait» une image de la matière-même. L’image devait donner l’impression de sortir par elle-même des profondeurs rocheuses. Elles étaient soigneusement choisies et disposées dans des espaces d’accès difficiles ou labyrinthiques.
L’original réside donc plus dans l’activité obscure de la matière et de sa métamorphose. Il est alors difficile de parler d’un original, tel qu’on l’entend actuellement.
En ce sens, les artistes actuels, et en premier lieu les photographes, continuent à générer de cette manière leur création, à en déployer l’élan vital, que ce soit dans un portrait, un paysage ou une scène de rue. En partant d’une feuille enduite de sels d’agent ou d’autres matières diverses ou même de pixels, ils élargissent l’inconnu. Des horizons exploratoires nouveaux se déploient.
Lucie Planty et les archives
Lucie Planty, est une artiste qui travaille intensément sur la question de l’archive et de la mémoire, sur sa matière disparaissante et renaissante. Que toute image soit une hantise, ou le fantôme d’un original introuvable, que l’histoire soit amnésique d’elle-même lui est familier.
Il y a une sorte de magie à rencontrer une artiste qui exerce une grande fluidité dans ses pratiques artistiques, sa réflexion, ses modes d’existence, et concrétise ainsi une ouverture constante aux autres. C’est le coeur de son travail. Outre de nombreuses expositions, installations artistiques et de livres, elle est aussi créatrice et animatrice de la plateforme d’artistes in.plano, commissaire indépendante d’expositions, enseignante, productrice radio, voyageuse, collectionneuse et compilatrice intensive d’images, manieuse audacieuse de mémoires, de leurs disparitions, de leurs
réapparitions au cours de l’histoire visuelle (voir son site en fin d’article).
Notre rencontre est conforme à sa démarche artistique. Une conversation se crée, les références se croisent, de nouveaux récits se construisent. Ce mode opératoire de dialogue n’a rien d’étonnant chez cette artiste qui laissera toujours à l’autre une latitude pour l’action, pour la réflexion, pour des gestes neufs.
Dans l’oeuvre Siècle dernier, 100 feuillets ont été prélevés parmi le choix d’une tranche temporelle de 100 ans dans les archives numérisées du journal La Stampa. Elle les sélectionne et les présente dans une configuration de mur vertical, sans leur texte et dans l’état de dégradation des images corrompues par le passage des scanners et la numérisation.
Les originaux numérisés des photos de La Stampa sont certes totalement dégradés mais ils n’ont pas totalement disparu. Le visuel de cette oeuvre repose maintenant sur une relation circulante avec les visiteurs. Elle ne conforte donc pas une capture passive du regard du visiteur. Si toutes ces images de presse, censées nous informer visuellement au jour le jour, sont effacées, détériorées, elles nous sont, dans le moment présent de la visite, restituées et cette altération devient notre affaire à tous. ( cf. Restitutions, Georges Didi-Huberman p. 277 Penser l’image. Ed. Emmanuel Alloa. Les presses du réel.)
[...]Dans une autre de ses oeuvres, Images d’histoires, des meubles d’archives sont emplis de documents visuels grisés et assombris pour que les visiteurs les sortent eux-mêmes de l’ombre de ce classement faussement muséal ou faussement bibliothécaire. Ils font leur editing sur un mur, selon leur propre combinaison narrative.
Ou bien, autre installation, une fausse table de travail, nommée Le bureau de l’historien(ne), accueille des dizaines de livrets, tous différents. Les images y sont charbonneuses, comme brûlées ou en cendre. Le visiteur inventera ses propres recherches en cours ou à venir. L’artiste dépose ainsi sur ce «bureau» la sensation ressentie lors de toute recherche dans les archives livresques ou bien archéologiques, qui est celle d’une plongée dans la nuit du savoir. Lucie Planty crée des subterfuges artistiques poétiques d’une grande beauté pour déjouer l’autorité bien intimidante du Bureau de l’historien(ne).
Une autre oeuvre présente des manuels d’apprentissages et des brochures de disciplines artisanales, qui nous sont devenues maintenant inconnues. Leur pertinence est effacée par le temps. Elles étaient pourtant à l’époque des modèles à suivre, des opuscules indispensables. Parce que privées volontairement de contexte par l’artiste, et installées selon un magnifique dispositif, elles retrouveront aujourd’hui, malgré le décalage temporel, un public inattendu.
La démarche se déclinera et n’en restera donc pas là. Larousse publie en 1986, une sorte d’encyclopédie généraliste d’histoire. Dans Chronique de l’humanité, Lucie Planty prélève les images en enlevant tous les textes. Elle les installe dans une table lumineuse qu’on peut scroller. Visages sans légendes, guerres sans dates, tableaux sans auteurs, ça défile jusqu’à ce que certaines personnes arrêtent leur geste. À certains moments, elles reconnaissent des images qui font partie du savoir de leur enfance. Elles sont alors pour un bref instant avec «leurs» images et «leurs» rêves invisibles. Restitution encore.
L’histoire se prolongera lorsque des visiteurs trouveront dans l’échange une manière alternative pour regarder et utiliser les oeuvres exposées. Ils attribueront alors aux images une nouvelle aura, laquelle avait disparu avec l’usure du temps, mais aussi du fait de la maltraitance des images par des machines brutales.
Réinventer ce qui a disparu, créer du faux
D’autres aventures visuelles se révéleront encore plus audacieuses. Ces oeuvres sont souvent issues d’enquêtes historiennes et visuelles longues de plusieurs années. Elles nous entraînent dans le labyrinthe des disparitions.
Parmi tant d’autres, l’une d’elles, particulièrement émouvante, est La Collection particulière. C’est un travail de recherche sur les oeuvres spoliées dans les territoires occupés par l’armée allemande, pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles ne furent jamais retrouvées. Il ne reste que quelques traces infimes au dos de fiches d’inventaires, quelques très vagues indications, quelques mauvaises photos en noir et blanc. Aidée par un restaurateur qui a aussi la qualification d’être un copiste réputé Philippe Dutilleul (nom d’artiste : Philippe Van der Linden), ils inventent ensemble une reconstitution fictive en couleur des oeuvres perdues. Une fausse copie des tableaux est réalisée, entre réel, hallucination et documentation. Mais pourquoi faire appel à un copiste ?
Notons que la tradition des copistes est très ancienne. Pour démystifier la désorientation, voire le découragement des chercheurs concernant la diversité des inventions des copistes quand ils exécutent leurs copies, le philologue et médiéviste Michel Zink en clarifie les raisons. Dans son domaine, le Moyen Âge, les parchemins sont forcément mouvants, forcément incertains, forcément « faux ». Les distorsions peuvent être considérables, et les originaux introuvables. Toutes les écritures, avant l’imprimerie, ne sont jamais sûres. Les processus d’altérations volontaires n’avaient rien d’anormal. Elles n’étaient pas considérées comme fautives par rapport à l’original.[...]
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haut: conférence en dialogue avec Jean Rodolphe Loth, Carte blanche à Lucie Planty, Ancienne église de Maisons-Laffitte, 2019
bas: Portrait de Bruno Dubreuil, La magie
de Lucie Planty, Isabelle Mangou, Viens Voir, 2024
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haut: présentation de l'exposition scrying frames, INSTINC Singapour, 2024 /
bas : pendant la Covid, mon ami Timothée Chalazonitis raconte ce qu'il comprend de mon travail plastique dans le cadre de la Biennale du Livre en Milieu Rural pendant un appel en visio lors d'une balade dans sa foret d'enfance
lucie.planty[at]gmail.com
siret 539 036 269 00030
1990 (France)
EXPOSITIONS
• Scrying Frames, INSTINC Singapour, solo show, 2024
• Slices of time, INSTINC Singapour, work in progress exhibition, 2024
• D’oreilles à bouches, cur. Léa Djurado invitée par in.plano, 6B, 2024
• Faire Image, cur. Espace Fine, galerie Michel Journiac, 2024
• Non-lieu, Au Lieu, 2023
• En chacune de ses positions la matière séjourne un ou plusieurs instants,, les Jardiniers, cur Titi M. Cerina et Adrien van Melle - Nehama, 2023
• Festival in situ Bazancourt, Maison du Conseil Général de Songeons, 2023
• Trazando Dialogos, Alliance Française de Bogota, 2023
• Trazando Dialogos, Galerie Un Nuovo error, Medellin, Colombie, 2023
• Le monde en image, La ruche, cur Bruno Bubreuil et Bogdan Pavlovic, 2023
• Lieu sentimental, Galerie Longue Vue, 2023
• Addresses, oeuvre postale, Portland, USA, Brad Adkins, 2023
• Salon de Montrouge, collectif in.plano, cur. Work Method (Guillame Desanges et Coline Davenne), Beffroi de Montrouge, 2022
• Projection dans le cadre de Souvenirs de MesaLendit, Festival Premier film, 6B, cur Alice Narcy et Halldora Magnusdottir, 2022
• Biennale du livre d’artiste, Musée d’art contemporain de Bogota, 2022
• Circades, 6B, cur. collectif Espace Fine, 2022
• Biennale du livre contemporain, Bazancourt, festival in situ, 2022
• Un titre trop long, Motoco, Mulhouse, cur. Shqipe Gashi, 2022
• Demain, puis demain, puis demain, Galerie Jeune Création, Fondation Fiminco, 2022
• Biennale Issues de Secours, exposition virtelle, association CCALF, 2022
• Contre Soirée, cahier central, cur. Alexandre Barré, 2022
• Floating I, in.plano, 2022
• Apuntes de nuevas propuestas franco-colombianas, Galerie Doce Cero Cero, Bogota, Colombie, 2021
• Jeune Création, Fondation Fiminco, 2021
• Date(s), artiste et co-commissaire avec Alexandra Goullier Lhomme, exposition postale, 2021
• Blue in green, in.plano, 2021
• La monnaie en or, avec Florian Schönerstedt, cur. Mo Gourmelon, Saison Vidéo, 2020
• Tranchante L’aurore, in.plano, 2020
• Objets Magiques, Maison de L’Ours, cur. Kristina Solomoukha et Paolo Codeluppi, 2020
• Biennale du livre contemporain en milieu rural, Hauts-De-France, Bazancourt, 2020
• Festival In Situ, église de Bazancourt, cur. Ouvre Les Yeux, Bazancourt, 2020
• Porte ouvertes de l’île-Saint-Denis, 2020
• Mensch Maschine, Botanique, Bruxelles, cur. Thierry Vandenbussche et Privacy Salon, 2020
• Le Mat, la Tempérence,le Pape et le Soleil, in.plano, cur. Adrien Elie, 2019
• Carte Blanche à Lucie Planty, exposition personnelle à l’ancienne église de Maison Laffite, 2019
• in.plano xyz, in.plano, 2019
• Festival Premiers Films, Jardins Denfer, cur. Alice Narcy, 2019
• Decompression Room, collectif in.plano, The Others Fair, Artissima, Turin, 2018
• Cinéma, projections de films, in.plano, à l’occasion des portes ouvertes des ateliers de l’île-Saint-Denis, 2018
• Blind Collector, in.plano, 2018
• CRAC Biennale d’ars actuel (Créations, Réalisations Artistiques Contemporaines), Maison des Arts Plastiques, Champigny-sur-Marne, 2018
• O p e n i n g, in.plano, Île-Saint-Denis, 2018
• Nos ombres devant nous, Fondation Ricard, cur. Collectif Basalte, Paris, 2017
• Felicità 17, Palais des Beaux-Arts de Paris, cur. Joan Ayrton, Paris, 2017
• 62e Salon de Montrouge, cur. Ami Barak et Marie Gauthier, Beffroi de Montrouge, Montrouge, 2017
• Nouvelle Collection x Do Disturb festival, Palais de Tokyo, cur. Sarah Nefissa Belhadjali, Paris, 2017
• Variation Media Art Fair, Cité internationale des Arts, cur. Dominique Moulon, Paris, 2017
• Bibliothèque Estudiantine #9, Cabinet du livre d’artiste, Rennes, 2017
• Mythologie.s, La Vallée, Bruxelles, Belgique
• 4 écoles d’art dans La Boîte, La Boîte 31 (Marie-Ange Guilleminot), Paris, 2017
• Mythologie.s, La Capella, cur. Epopure Paris, 2017
• Tenaces promesses, dérision magnifique, La Station — Gare des Mines, cur. Thomas Malenfant, 2017
• Homeostasis Lab, Biennale the Wrong, 2017
• Grand prix de l’institut culturel Bernard Magrez, Château Labottière, Bordeaux, 2017
• Les recombinants, ART-O-RAMA foire internationale d’Art Contemporain de Marseille, cur. Madja Edelstein-Gomez, 2017
• Prix AMMA, Panthéon-Sorbonne pour l’art contemporain, Bastille design center, Paris, 2017
• Rob a Robe, avec Nouvelle Collection de Sarah Nefissa Belhadjali DOC, Paris, 2016
• Nouvelle collection, cur. Sarah Nefissa Belhadjali, Paris 2016
• Pierre-feuille-ciseaux, Iconotexte, Cneai Chatou, Collectif g.u.i, Chatou, 2016
• Au-delà de l’héritage, église St Pierre de Montmartre, cur. PaP BdA Sciences Po, Paris, 2016
• On n’a jamais été aussi proche du milieu, Centre Culturel d’Itchimbía, Quito, Équateur, 2015
• Un bazar dans le Bazar dans un bazar, Bazaar Compatible Program, Chine, 2015
• Possibliothèque, Offprint, 2014
• 26e Biennale de Brno, Brno, République tchèque, 2014
• Familles, Galerie Œil du Huit, Paris, 2010
PRIX & BOURSES
• Bourse de soutien au collectif de la Fondation de France allouée à in.plano, 2023-2024
• Lauréate du Prix Folie Numérique, exposition Jeune Création, 2021
• Nominée Prix de la Biennale de Paris, ENDA, 2020
• Bourse DRAC Ile-De-France soutien au collectif pour in.plano, en 2020
• in.plano lauréat du Prix de la Fondation de France François de Hatvany pour le soutien au projet collectif, 2018
• Lauréate du Prix des Fondations - Prix Albéric Rocheron, Felicità 17, Palais des Beaux-Arts de Paris 2017
• Nominée Prix AMMA pour l’art contemporain, 2017
• Lauréate Prix jeune talent, Au-delà de l’héritage, PAP BdA S-P, Paris, 2016
• Lauréate Premier Prix, exposition Familles, Galerie Œil du Huit, Paris, 2010
RÉSIDENCES
• Résidence à INSTINC Singapour, Ambassade de France, National Arts Council, 2024
• Résidence VR et brodeuse numérique, Micro-Folie de Taverny, 2024
• Résidence Epopure, Belgique, 2018
• Résidence à Shanghai, Bazar Compatible Programm, école Offshore, 2016
• Résidence à Quito, Centro Cultural Itchimbía, Equateur, 2017
• Résidence Épopure au Sureau à Pantin, exposition à La Capella à Paris et à la Vallée à Bruxelles, 2017
RADIO
• Entretien autour du film Voyage En Syrie dans le cadre du festival «Premiers films» aux Jardins Denfer, Radiobal, 2019
• émission radio Les artistes iconographes, En Pleines Formes, Radio Campus, avec Édouard Taufenbach, et Aurélien Mole, animé par Flore Di Sciullo, et Henri Guette, 17 février 2019
CATALOGUES & PRESSE
• L’ekphrasis comme pratique artistique, thèse publiée de Damien Dion, extrait au sujet de l’oeuvre Bretschneider, collection privée, Presses Universitaires de Rennes(PUR), 2024
• La Magie de Lucie Planty, article de Isabelle Mangou, portrait photographique par Bruno Dubreuil, Viens Voir, 2024
• Artistes contemporainexs, une anthologie, Some of us, Manuella Éditions, Marianne Derrien, Jérôme Cotinet-Alphaize, Adrien Elie, Huz & Bosshard, avril 2024
• livret d’exposition En chacune de ses positions, la matière séjourne un ou plusieurs instants, les Jardiniers, textes de Titi M. Cerina, co cur avec Adrien van Melle - Nehama, 2023
• édition Souvenirs de MesaLendit, Festival Premier film, 6B, 2022
• édition Souvenirs de MesaLendit, Festival Premier film, 6B, 2022
• Catalogue du Salon de Montrouge, en tant que in.plano, texte de Alexandra Goullier Lhomme, 2022
• Des artistes s’insurgent après la destruction «par erreur» de leur centre autogéré à L’Île-Saint-Denis, pour in.plano, article dans Libération de Claire Moulène, 2022
• Catalogue de l’exposition Jeune Creation, 2021
• Date(s) : rendez-vous avec votre réel, David Oggioni, Artais, 27 décembre 27, 2020
• Catalogue de l’exposition Mensch Maschine, Pricavy Salon, Botanique, 2020
• Mention dans l’article « Sans la peinture » de Lorine Boudinet,
pages 65-66, revue Gros Gris n°5, «Disparition», 2020
• Livret d’exposition Carte Blanche à Lucie Planty à l’ancienne église de Maison Laffite, 2019
• «Sottobosco», dans L’image fabuleuse | Sottobosco (projet «Bretschneider, collection privée»), co-édition Adrien Elie, Lucie Planty, in.édition, 2019
• Catalogue de l’exposition Créations et Réalisations Artistiques Contemporaines, Maison des Arts Plastiques, Champigny-sur-Marne, 2018
• Nature morte au Gibier dit Chasse à la brune, article, oeuvre «Bretschneider, collection privée», revue Matin, premier numéro «brun», 2018
• Catalogue de Felicita 17, texte de Camille Paulhan, Palais des Beaux-Arts, Paris, 2017
• Catalogue de Nos ombres devant nous, texte de Léa Djurado et Joshua de Paiva Paris, Fondation Ricard, Collectif Basalte, 2017
• Catalogue du Salon de Montrouge, texte de Audrey Teichmann, 2017
• Catalogue de l’exposition Au-delà de l’héritage, texte de Claude d’Anthenaise PAP BdA Sciences Po, Paris, 2016
• Catalogue de Iconotexte + Pierre Feuille Ciseaux, Éditions &&, impression laser Cneai Chatou, 50 exemplaires, Juin 2016
• Catalogue de la 26e Biennale de Brno, Graphic design, education & schools, 2014
TALKS
• Présentation du travail en cours, résidence à INSTINC Singapore, 2024
• Conférence à l’Alliance Française de Bogota, exposition Trazando Dialogos, 2023
• Conférence lors de l’exposition Biennale du livre contemporain aux Musée d’Art Contemporain de Bogota, Mac Bogota TV, 2022
• Conférence en dialogue à l’occasion de l’exposition Carte blanche à Lucie Planty, ancienne église de Maison Laffite menée par Jean-Rodolphe Loth, 2019
• Présentation à l’occasion du lancement et de la publication du premier numéro de la revue Matin, DOC, Paris, 2018
• Table ronde à l’occasion de la sortie du catalogue de l’exposition Nos ombres devant nous, Fondation Ricard, Paris, 2017
ENSEIGNEMENT, JOURNALISME, JURY
• Enseignante cycle universitaire à l’ECV (École de Communication Visuelle de Paris), cours « langage visuel», de 2018 à aujourd’hui
• Enseignante en prépa aux Ateliers des Beaux-Arts de Paris, cours «histoire et images», de 2021 à aujourd’hui
• Animatrice et créatrice de l’émission radio mensuelle «Tempo de L’art (actualité de la scène artistique nouvelle)», Fréquence Protestante, de 2022 à aujourd’hui
• Rencontre avec les étudiants de l’Université Paris 8 accompagné·e·s de leur enseignant Benoît Hické, à in.plano, 2022
• Jury du concours vidéo «Rêve», CROUS IdF, 2022
• Cours-worshop édition, DNMADE Vauréal, invitée par Shqipe Gashi, 2022-2023
• Workshop dessin par le document, Ateliers des Beaux-Arts de Paris, juin 2022
• Professeur d’atelier, Ateliers des Beaux-Arts de Paris Gauthey, 2022-2023
• Jury du concours vidéo «Alchimie» CROUS IdF 2020
• Accueil de l’exposition de fin de 3e année des étudiants des Arts Déco de Paris à in.plano, avec leur enseignant Kristina Solomoukha, 2019
• Présidente du jury Paris X Berlin, CROUS IdF, 2019
• Membre du jury, Salon des arts de Maisons-Laffitte, 2019
• Présidente du jury, concours photo Nuit Blanche, CROUS IdF, 2018; présidente du jury, concours vidéo Nuit Blanche, CROUS IdF, 2018
• Membre du jury Territoires/ Gebiete exposition, Studierendenwerk, Paris x Berlin, 2018
• Rencontre avec les étudiants de l’École nationale supérieure des Arts Déco (EnsAD Art-Espace 3e et 4e années) accompagné,s in.plano, 2018
• Organisation de l’exposition de livres des étudiants des Beaux-Arts de Paris, 4 écoles d’arts dans la boîte, La boîte 31, 2017
ÉTUDES
• Séminaire de recherche Encapsulation, post-diplôme Art & Mondialisation, Paul Devautour, Offshore Shanghai, Ensad Nancy, 2020-21
• DNSAP, avec les félicitations du jury, École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, 2015
• DNAT, École nationale des Beaux-Arts de Lyon, 2013